samedi 7 mai 2016

Rouges, les collines de Caracas, de Maxime Vivas.

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Mais où avait la tête Elisabeth Parrot dite Gaya, journaliste indépendante, lorsqu'elle a accepté ce reportage au Venezuela dont elle ne saisit pas bien qui est le véritable commanditaire. À peine arrivée à Caracas, la capitale du Venezuela, Gaya se trouve embarquée dans une série de situations dangereuses, coincée entre d'une part des proches du régime vénézuélien et des opposants prêts à tout pour abattre le gouvernement de Chavez. Nous sommes en 2007 en plein cœur de la polémique sur la fin de la concession de RCTV et des accusations de reprise en main de la presse par le pouvoir vénézuélien. Autour d'elle gravitent très rapidement des individus dont elle ignore s'ils sont ses alliés ou des ennemis. D'abord Ricardo son contact et protecteur. Ensuite Alicia Hernandez rencontrée par hasard dans l'avion qui semble beaucoup connaître sur sa vie mais qu'il lui est impossible de retrouver plus tard.... Sans oublier Miguel Salamanca un poète madrilène qui tente de la séduire, mais dont le rôle paraît équivoque.
Quel crédit accorder aux rumeurs qui prédisent un attentat sanglant au cours d'une conférence internationale sur les médias à laquelle doivent assister de nombreux politiques et journalistes internationaux? Et la découverte du corps sans vie du tueur à gage qui était censé provoquer le massacre est-elle le signe que ses commanditaires ont découvert qu'il avait été retourné par les services de sécurité ou une mise en scène du pouvoir pour accréditer la thèse du complot ?

En fin connaisseur de l'Amérique latine et des réseaux d'extrême droite, Maxime Vivas nous décrit une tragédie où les faux semblants peuvent autant cacher une loyauté sans faille comme la pire des forfaitures. L'auteur nous plonge dans un décor exotique, digne des meilleurs romans d'espionnage, où la douceur de vivre occulte une misère profonde, opposant les quartiers des classes possédantes ou moyennes aux bidonvilles surplombant la capitale face à l'océan. Argent, intérêts stratégiques et idéologiques, relents d'un colonialisme persistant malgré la fable bolivarienne sont le terreau sur lequel grandit une violence aveugle. Par touches successives Maxime Vivas pose les éléments du drame, tirant un à un des fils qu'il nouera plus tard en un finale palpitant.
Le titre, Rouges les collines de Caracas fait autant référence au sang versé quotidiennement dans l'une des villes les plus meurtrière du globe, qu'à la couleur de la brique brute des quartiers populaires. Et cette ambiguïté révèle toute la saveur de ce roman.


Rouges, les collines de Caracas, de Maxime Vivas aux éditions Arcane 17

Cette chronique a été diffusée le 7 mai 2016 lors de l'émission Un jour, un livre, un auteur sur Radio Présence Lourdes.  
 

dimanche 1 mai 2016

En passant par la Cerdagne.


Il y eut d'abord Foix et son château prolongeant les versants abrupts d'un piton inaccessible, puis plus loin les étranges monts épars, rochers colossaux hérissant le paysage, comme jetés-là au hasard par quelque géant négligent. Copie amplifiée des champs de monolithes à nu des Météores en Grèce. Ici, comme là-bas, l'impression angoissante d'un lieu où l'humain n'est pas le bienvenu. D'un lieu quadrillé par les forces telluriques hostiles de créatures chthoniennes prêtes à reprendre leur lutte titanesque.

Il y eut ensuite la lente métamorphose en une vallée de montagne à travers laquelle la route se frayait un chemin en direction d'Ax-les-Thermes. Un léger crachin grisait l'asphalte, tout en estompant les pâturages et la forêt. Parfois, à travers une percée de nuages, l'aveuglante blancheur des croupes enneigées signifiait que l'hiver résistait encore au printemps en ces lieux tournés vers le septentrion.
Passée la station balnéaire, les lacets serrés attaquaient bravement le versant rocailleux. Virage après virage la pente enneigée se rapprochait, jusqu'à ce qu'enfin on parvienne au cœur de la splendeur virginale drapée dans de larges volutes brumeuses. De courts névés barraient la route parfois, ruisselants sous les assauts d'un air désormais chargé des douceurs printanières. La masse cotonneuse irradiait progressivement la lumière d'un soleil de plus en plus proche, jusqu'à ce que soudain on émerge au dessus du nuage entourés du manteau hivernal que surplombait un ciel à l'azur déjà chaleureux. Le col du Puymorens s'offrait en un partage indiscutable entre le nord ennuagé et le sud dégagé pour une descente vertigineuse vers Bourg-Madame et la limite entre France et Espagne.

Il y eut enfin les doux vallonnements de la Cerdagne française recouverts de pâturages où broutaient paisiblement chevaux et vaches qui suivaient d'un œil détaché les rares automobiles filant sur la route éclaboussée de soleil. Ponctuant les quelques kilomètres avant la frontière se dressaient de rares hameaux aux noms étranges, Entveigt ou Ur, laissant à penser au voyageur qu'un sortilège l'avait transporté des Pyrénées vers la Suisse. En effet, la large haute plaine frontalière offrait au regard le damier de nuances de vert des champs en culture. Dominant le tout, les cimes enneigées constituaient un rempart apparemment infranchissable qui ceignait ce petit paradis intemporel. Néanmoins, la distance entre plateau et cimes rendait la présence de cette barrière plus esthétique qu'oppressante.

La route poursuit sa progression paresseuse vers Puigcerdà au milieu de prairies romantiques. Soudain, le voyageur légèrement hypnotisé par la quiétude ambiante s'aperçoit avec stupeur avoir franchi la frontière. Pourtant rien ne signale la limite. Tout à son étonnement on cherche à comprendre ce qui donne cette certitude. Peut-être une légère nuance de crème différente sur le panneau de limitation de vitesse, où les silhouettes plus trapues des véhicules sur celui d'interdiction de dépasser. L'impression sera confortée quelques minutes plus tard lors du contournement de Puigcerdà, l'architecture de briquettes, la forme des immeubles, tout cela dénote de façon certaine l'arrivée en Espagne. Désormais on file vers le tunnel de Cadì qui ouvre l'accès vers Barcelone.