lundi 5 décembre 2016

Les ombres innocentes, Guillaume Audru.

 
Les ombres innocentes de Guillaume Audru pourraient être vues comme un énième polar de terroir encensant, à l'instar de Jean-Pierre Pernaud, cette France éternelle si rassurante dans un monde plein d'incertitudes. Il n'en est rien !  Ici point de nature bucolique, les forêts sombres se défendent à coup de ronces, la terre est avare et la jeunesse a fui depuis longtemps vers les grandes villes. Sur ce coin d'Auvergne déserté par les hommes, abandonné des dieux, ne restent que ceux qui s'échinent à survivre avec obstination, celant au fond de leurs mémoires de noirs événements du passé. Et, le désordre qui règne en maître dans leurs demeures n'est qu'un écho dérisoire du chaos ravageant leurs âmes.

Dans ce roman fort, s'appuyant sur une écriture sèche, renonçant aux envolées lyriques, Guillaume Audru croise le destin de personnages énigmatiques, tissant progressivement les fils de destinées brisées en une tragédie oubliée.  À quelle rencontre effrayante Marcel Chauffour doit-il ses blessures ? Quels secrets cache sa ferme de l'Egady dans le massif des Agriers ? Et quelle haine Irène  Jansac a-t-elle pu susciter pour être éviscérée dans la ferme Les Gerles sur le plateau de l'Aubrac ? Quel rôle joue Alain Bédel, curé à la retraite? Et surtout qui est Lucie délaissée au fond d'une cellule de la clinique psy des Dômes dans les faubourgs de Clermont Ferrand ? C'est Élie Sarrabé commissaire à la retraite qui, tel un deus ex machina, va entraîner Héléna Roussillon infirmière et Matthieu Géniès journaliste dans une enquête parallèle à celle du lieutenant de gendarmerie Serge Limantour, pour élucider ces mystères. À la suite de ces personnages,  Guillaume Audru entraîne, avec brio, le lecteur captivé dans la découverte progressive d'un scandale d'État indigne d'un pays démocratique comme la France. Un roman prenant, noir. À lire absolument pour l'indispensable devoir de mémoire.



Les ombres innocentes, Guillaume Audru, Éditions du Caïman.


Chronique diffusée le mercredi 23 novembre, lors de l'émission  "Un jour, un livre un auteur" sur Radio Présence Lourdes.