samedi 11 novembre 2017

Un week-end à l'Hôtel d'Assézat

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À un jet de pierre de la Garonne, en plein cœur de ce vieux quartier de la Daurade qui s’illustra à la Renaissance par le commerce du pastel, voici l’Hôtel d’Assézat qui dresse fièrement ses tourelles ouvragées, ses murs de brique rose et ses fenêtres à meneaux. Les lourdes portes de chêne largement ouvertes invitent le passant à en franchir le vaste porche en pierre de taille. La grande Cour d’Honneur accueille aujourd’hui un chapiteau blanc dont les voiles latérales flottent au vent léger de ce samedi matin de fin octobre. Des panneaux posés çà et là indiquent au visiteur curieux des destinations mystérieuses, qui tranchent avec le circuit habituel des visites culturelles. C’est qu’en cette fin de dernière semaine d’octobre les Gourmets de Lettres de Toulouse tiennent Salon. Autour de cet auguste aréopage chenu, héritier et perpétuateur de la tradition des Jeux Floraux, une centaine d’auteurs venus de toute la Région, plumes affutées et formules élégiaques en tête, piaffent d’impatience en attendant les amateurs de littératures. Dans les sous-sols de la noble Institution une exposition d’œuvres contemporaines étale ses palettes (qui chamarrée, qui à la manière de..., qui dans des tonalités sombres) en quête d’acheteurs avertis. Afin de stimuler la créativité de tabellions désœuvrés, pour créer une émulation récréative parmi les écrivain(e)s en herbe ou chevronnés, peut-être plus prosaïquement pour combler l’attente des résultats du palmarès des Prix, les organisateurs encouragent chacun des participants à produire de petits textes courts en résonance avec une des œuvres exposées de son choix. À l’issue du week-end, trois seront sélectionnés et gratifiés d’un cadeau-surprise.

L’auteur de ses lignes s’est prêté au jeu, en voici les rejetons. 

Elle n’est pas une lionne illustre



Au petit matin blême, lorsqu’enfin le dernier client s'éclipse elle se cale sur son fauteuil pour échapper au dégoût du lit. S’évader de la litanie des mâles frustres qui ne voient en elle que la chaude viande qui les soulage. Ne plus être à plat sous les corps adipeux et fétides. Être assise, presque debout, comme un dernier acte de résistance devant le défilé de bourses à vider. Mais Morphée la boude, ses yeux refusent de se fermer, les images persistent.
Alors que le soir approche, épuisée, elle s'endort, d’un sommeil lourd exempt de rêves.
Est-ce cela le « burne out » ?


Moltonel



Le soleil de fin octobre perce les derniers lambeaux de brume. Le large porche de l’Hôtel d’Assézat m’appelle. Je m’y glisse avec espoir. Peut-être n’aurais-je pas dû boire ces deux bières, ni les accompagner d’un café serré. Maintenant l'envie presse. Ah, voici le sous-sol ! Mais que font ici tous ces gens ? J’erre avec angoisse. Ah ! Enfin des toilettes, là dans un coin de couloir. Trait charbonneux, fond ocre beige, blanc cadavérique. Elles me narguent alors que ma vessie devient douloureuse. Tant pis j’y vais ! Zut, plus de papier !!!!

mercredi 25 octobre 2017

Des âmes simples de Pierre Adrian

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La vallée d’Aspe lorsque s’installe l’hiver. Une vallée pyrénéenne comme il y en a des centaines, verrouillées au pied des pics chenus. Si les nuits sont longues partout en cette saison, ici plus qu’ailleurs le relief et l’orientation posent l’obscurité en avance. Seules animations, la noria de camions qui grignotent la route vers le tunnel du Somport, sans un regard pour le paysage environnant, et le cortège espacé des pèlerins en route vers Compostelle. Pour le reste il y a les villageois, rares et esseulés, livrés à eux-mêmes avec pour seule compagnie leurs bêtes et les souvenirs douloureux. Dans cette obscurité envahissante, comme privée de Dieu, une seule lumière vacille encore. Celle de Pierre, le curé de la vallée, qui maintient une vie fragile au monastère de Sarrance.
C’est dans ce monastère que débarque le narrateur pour y passer quelques semaines. Les raisons qui l’ont poussé à cet exil ne seront pas dévoilées, il y vient pour fêter Noël sera notre seul indice. Il y découvre une petite communauté gravitant autour du prêtre : un ecclésiastique à la retraite, une bonne à tout faire, quelques mains secourables et des êtres errants, perdus. Une micro société à l’image de celle de la vallée.
Pierre Adrian en décrivant ces êtres au cœur d’une vallée sur laquelle s’étend l’obscurité pose la question : comment être prêtre dans un monde qui a perdu la foi ? Mais, contrairement à Bernanos qui décrit la déréliction de prêtres dans un monde sur lequel s’étendent les ténèbres, l’auteur nous donne l’exemple d’un curé qui sert de rocher aux humains désorientés, croyants ou non, qui peuplent cette vallée. Peu importe que celui qui fait appel à lui soit un de ses fidèles ou un incroyant avéré, la solidarité humaine est plus forte que ce détail. Il part dans la nuit réconforter celui qui doute, qui souffre, qui se languit d’une compagnie.
Avec ce roman, nourri, fertilisé par les quelques semaines que l’auteur a passées dans ce monastère, dans cette vallée, Pierre Adrian, d’une plume alerte et parfois poétique, nous parle de ce qu’il y a de plus universel : la compassion, l’entraide face au sentiment d’abandon. Le récit se déploie en séquences sporadiques qui composent au final une belle fresque d’Humanité. Un très beau roman qui attache le lecteur.

Des âmes simples de Pierre Adrian aux éditions Equateur 2017. 

Cette chronique est un prélude à l'émission Un jour, un livre, un auteur du samedi 20 octobre sur Radio Présence Lourdes. À écouter ici : https://www.radiopresence.com/emissions/programme-local/tarbes-et-lourdes/un-jour-un-livre-un-auteur/article/un-jour-un-livre-un-auteur-40739

vendredi 20 octobre 2017

Une belle lecture : Moi je conduirai les chevaux, Anne Lasserre-Vergne

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« Moi, je conduirai les chevaux » est un titre trompeur, l’expression volontariste (que l’on imaginerait volontiers sortant de la bouche d’un adolescent défiant un adulte donneur de leçons) est à l’opposé du calme, de la quasi résignation des personnages qui peuplent la douzaine et demie de nouvelles que nous offre Anne Lasserre-Vergne dans cet opus. Chacune de ces courtes histoires est une tranche de vie, presque un instantané, situé à l’ultime bout du chemin. Ce sont de petites saynètes pleines de verve où la vieillesse et la mort s'affrontent comme un passage naturel parce que la vie des personnages a vraiment été vécue. Là, face à l’inéluctable finitude les personnages révèlent une lucidité douce et apaisée. S’il y a des regrets, ils sont assumés avec pudeur et dignité.
Anne Lasserre-Vergne réussit à faire d'un thème a priori triste et déprimant un moment de nostalgie apaisée plein d'humour et de chaleur. Elle cisèle de très beaux textes parfois plus proches du conte que de la nouvelle telle qu'on l'imagine. Le lecteur se laisse guider par la plume aérienne de l’auteure vers un univers où il plonge totalement, ressentant la tiédeur d’une brise, l’odeur d’encaustique et de lavande d’une vieille demeure, les fragrances florales lorsque s’installe le crépuscule et le bruit assourdi de la vie alentour qui continue alors que celle du personnage s’efface doucement. Si l’ironie est présente dans ces beaux textes, elle ne se départ jamais d’une profonde tendresse. Peut-être parce que, comme le disait Mahler, l’ironie est l’élégance du désespoir.
Le recueil « Moi, je conduirai les chevaux » se lit avec gourmandise. Un grand merci à l’auteure pour ces beaux instants rassérénés. 

« Moi, je conduirai les chevaux » de Anne Lasserre-Vergne est édité aux éditions Lucane 2017

mercredi 18 octobre 2017

Fourbi étourdi de Nick Gardel


Jean Édouard, dit Jed, est un glandeur qui vit d'expédients. Mais il a des principes et lorsque Paul, son ami d’enfance, lui demande de l’aide il n'hésite pas une seconde à voler à son secours. Voler au sens pénal du terme, car sans véhicule pour se rendre au fin fond de la Vienne il va subtiliser une voiture dans un parking. Hélas pas n’importe laquelle, car les modernes carrosses étant inviolables ou presque, il jette son dévolu sur une superbe DS Pallas. Bon avouons qu’il y a mieux pour passer inaperçu. D’autant plus que celle-ci lui réserve deux surprises : une bonne et une mauvaise. La bonne est un grand sac rempli de billets de banque, la mauvaise le cadavre qui gît à côté. Tout être sensé fuirait à toutes jambes, mais pas Jed. Et voici que l’aventure commence….

Dans un style alerte et imagé Nick Gardel entraîne le lecteur dans une folle poursuite où Jed est le gibier traqué par le duo implacable d'un italien sadique et d’un portugais bas du plafond aux ordres d’un commanditaire sanguin. C’est oublier que rien n’est joué d'avance et qu’un dieu mutin, ou tout simplement le hasard, peut gripper les mécaniques les plus sophistiquées. Les morts jonchent le parcours, mais rien de lugubre ici, juste une folie ironique et joyeuse tirant au lecteur complice des larmes non de peine mais de rire. L’auteur, débridé et fantasque, accumule les situations improbables en un crescendo digne des meilleurs cartoons, malmenant certes son héros mais sans jamais se départir d’une tendresse cachée. Il y a dans ces personnages ballotés par les humeurs de Nick Gardel, quelque chose des losers attachants que décrit Tonino Benacquista. Peut-être que comme l’Antoine de Benacquista, Jed est un double fragile de Gardel ? Un roman picaresque à lire un soir d’automne cafardeux.

Fourbi étourdi de Nick Gardel aux éditions Caïman.
Cette chronique a été diffusée le 14 octobre lors de l’émission Un jour, un livre un auteur sur Radio Présence Lourdes.

vendredi 6 octobre 2017

Les prix décernés par le 8 ème Salon du Livre Pyrénéen.

Comme chaque année le Salon du Livre Pyrénéen de Bagnères-de-Bigorre a couronné quatre ouvrages parmi les 61 en compétition pour cette huitième édition. Lors d'une émission spéciale en direct depuis le Carré Py où se situe la manifestation nous avons Philippe Nonie, Marina Varin et moi-même reçu les lauréats. Voici les chroniques que m'ont inspirés ces quatre livres et qui ont été diffusées en direct le 30 septembre sur Radio Présence Lourdes dans l'émission Un jour, un livre un auteur.

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Prix du Livre Pyrénéen 2017 pour "Les estives d’Ossau". 

Il s'agit d'un ouvrage collectif sous la direction de Christine Rendu, Carine Calastrenc, Mélanie Le Couedic, Anne Berdoy paru aux Éditions Le pas d’oiseau.



Le pastoralisme est une activité pluri-séculaire que l’on imagine dès lors comme figée dans une tradition immuable. L’enjeu de ce bel ouvrage de 280 pages, richement illustrées, est au contraire de montrer comment il évolue dans le temps et l’espace pour tenir compte à la fois des contraintes géographiques et sociétales. Composé de deux parties, la première se focalise sur le site d’Anéou dans la vallée d’Ossau, la seconde ouvre la focale et s'intéresse à la vallée dans son ensemble et donc aux liens et interactions qui s’y sont joués.

La première partie décrit les recherches et découvertes faites sur le site d’Anéou pour la période allant du XXII ème siècle avant notre ère jusqu’au présent. En deux chapitres les auteurs nous livrent une première approche contemporaine avec des interview d'acteurs pastoraux, puis à l’issue d'une présentation des méthodologies mises en œuvre ils nous plongent dans l’exploration archéologique du site.

Dans la seconde partie nous abordons là aussi en deux chapitres une synthèse qui parcours le temps séparant le néolithiques et l’époque contemporaine, mais cette fois en élargissant à la vallée entière.

L'ensemble de l'ouvrage bien que savant est totalement accessible aux esprits curieux, il mêle de superbes photos légendées avec des schémas, des graphiques qui soutiennent le texte. Un bel ouvrage qui brise la vision réductrice d’une culture pastorale figée dans l'archaïsme. 

Prix du Livre Pyrénéen Guide 2017  pour "Les reptiles pyrénéens".
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Gilles Pottier nous livre ici un ouvrage savant sur cette partie de la faune souvent mal connue et donc mal aimée que sont les reptiles vivant dans nos montagnes. L’auteur sacrifie à la pratique classique de tout ouvrage scientifique en l’organisant de façon rigoureuse. Structuré en trois parties, il nous décrit d'abord le contexte pyrénéen abordant dans cette première partie - à la fois brève puisque l’auteur n’y consacre que 20 pages et pour autant très claire et accessible à un non spécialiste - les questions géographiques, écologiques et taxinomiques (la taxinomie étant la discipline du classement des espèces.). Vient ensuite la partie la plus étendue du livre qui décrit en quelques pages chacune des 32 espèces endémiques de notre beau massif (3 de tortues, 17 de lézards et 12 de serpents). Gilles Pottier termine par une longue conclusion sur les menaces qui pèsent sur ces espèces et fournit quelques idées sur leur conservation. L’ensemble de ce travail dont le texte est d’une clarté exemplaire s’accompagne de cartes géographiques permettant de visualiser de façon presqu’intuitive les habitats de chacune des espèces, et s'enrichit d’une galerie de superbes photos.

En conclusion un très bel ouvrage où les qualités scientifiques sont mises à la portée de tout béotien un petit peu curieux. 

Les reptiles pyrénéens de Gilles Pottier est paru aux éditions du Muséum National d’Histoire Naturelle. 

Prix du Livre Pyrénéen Littérature 2017  pour Aquerò

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Une narratrice perdue dans une forêt. Un récit qui s'allonge sans presque de ruptures structurelles. Un récit ? Ou le bouillonnement aléatoire d’une pensée errante ? Sensations, perceptions brutes se posent ici et là en un dessin impossible à lire. Comme un puzzle abandonné momentanément au regard du curieux et dont les amas déjà construits jonchent, semblent joncher, la table sans lien entre eux. Pourtant progressivement deux lignes de force émergent, la première autour de la métaphore du rapetissement au cœur d’une caverne, la seconde autour de la figure de Bernadette face à l’apparition de la Vierge.

L'écriture de Marie Cosnay est inspirée, poétique. Des phrases longues, respirant au rythme des virgules qui scandent les adjectifs ou les adverbes. Elle se déploie en une sorte de spirale verbale qui emplit et l’espace et le lecteur fasciné. J’y ai retrouvé des résonances avec l'écriture de la beat generation, mais ce serait celle d’un Allen Ginsberg assagi, d’un William Burrough chaste, débarrassés des vapeurs et hallucinations narcotiques. Une écriture qui n’ayant plus à provoquer peut enfin évoquer en toute quiétude les émois et interrogations intérieures.



Aquerò de Marie Cosnay est paru aux éditions de l’Ogre.


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Prix du Livre Pyrénéen Binaros 2017 pour "La découverte des Pyrénées". 

Quoi de plus évident que les Pyrénées ? Surtout lorsqu’on voit de ses fenêtres les hautes cimes qui se découpent en ombres chinoises à l’horizon lorsque se couche le soleil. Pourtant, il a fallu de nombreux siècles pour que ces fières montagnes soient appréhendées dans leur réalité. Et encore, de quelle réalité s'agit-il ? La géographique ? La botanique ? Celle des historiens ou celle des hardis grimpeurs qui ont affronté les faces abruptes et ses pics déchiquetés ?
Tout l'intérêt de l'ouvrage que nous propose Claude Dendaletche est d’offrir une approche synthétique qui croise ces différents points de vue. En sept chapitres agréablement écrits l’auteur aborde chaque facette des Pyrénées. Le propos est richement illustré par une nombreuse iconographie issue de collections tant privées que publiques. Une façon pédagogique et fortement esthétique de se plonger dans la genèse d’un massif incontournable.



 La découverte des Pyrénées de Claude Dendaletche est publié aux éditions Arteaz.


lundi 11 septembre 2017

Neige écarlate de Anne Waddington


Après le recueil de nouvelles délicieusement vengeur "Le feu sous la cendre", Anne Waddington creuse encore un peu plus l'ambiance noire avec ce nouvel opus intitulé : "Neige écarlate" paru aux éditions La plume d'Alain. Sans surprise elle reste dans le cadre régional en posant ses personnages dans un petit village des monts de Lacaune. La vie s'y déroule avec la paresseuse indolence de toutes les petites villes de province, entre la carrière qui fournit du travail aux habitants, le bistrot où officie Louis "le nain" comme il se qualifie lui-même, l'épicerie de Jean François plaque tournante des commérages, et surtout la maison de retraite haut de gamme qui accueille une poignée de pensionnaires aisés sous le regard protecteur d'Hélène la directrice et du personnel soignant dévoué.

Mais c'est mal connaître Anne Waddington que de croire que cette quiétude va durer. En effet imperceptiblement de subtils signes interpellent les nombreux personnages du roman et de fil en aiguille ces indices vont changer l'atmosphère sereine en un climat de suspicion de plus en plus palpable. Alors, une partie de la population va interpréter les événements étranges comme la preuve que l'autre partie des habitants a  été remplacée par des envahisseurs venus d'on ne sait où. Or, une tempête de neige va isoler le village. Livrée à elle-même et coupée de la civilisation cette frange d'individus va basculer dans la violence la plus aveugle, sans que l'on puisse décider par quoi elle est justifiée : la situation actuelle ou de vieilles rancœurs profondément enfouies.

Tout l'art d'Anne Waddington est de raconter dans ce huis-clos par touches progressives l'évolution de cette petite société d'un quotidien banal à l'irruption de l'étrangeté de plus en plus pesante. L'auteure entraîne le lecteur dans une lente mais inexorable spirale angoissante où les coups de théâtre et rebondissements mettent ses nerfs à rude épreuve. En conclusion, un excellent thriller qui se dévore avec la trouble délectation que suscitaient les contes de notre enfance. 

Neige écarlate de Anne Waddington aux éditions La Plume d'Alain.

Cette chronique a été diffusée lors de l'émission Un jour un livre un auteur du 9 septembre 2017 sur radio Présence Lourdes. 

samedi 9 septembre 2017

En septembre, c’est la reprise.


Après des semaines aveuglantes voici que la lumière change subtilement. Oh, pas grand-chose, juste un éclat moins soutenu. Peut-être un angle plus rasant lorsqu’on ouvre ses volets le matin. Un bleu légèrement différent au ciel. Les couleurs du paysage qui s’animent, prennent de la profondeur alors qu’elles étaient comme écrasées par les violents rayons du soleil estival. L’air est plus stable, découvrant des arrière plans qui jusque-là vibraient imperceptiblement sous les ondes de chaleur s’élançant vers le firmament. Les parfums s’épanouissent sous une fraîcheur très relative. Une sorte de nostalgie sourd délicieusement de chaque point de l’horizon. En un mot, comme en mille l’atmosphère sent le mois de septembre. Et septembre c’est la reprise. Chacun actif, chômeur ou retraité va reprendre le rythme habituel de sa vie après la parenthèse estivale. L’auteur n’y échappe pas. Il est déjà sollicité par la rentrée littéraire, même lorsque son nouvel ouvrage a déjà rejoint les étagères des libraires depuis plusieurs semaines. Amis lectrices et lecteurs voici donc le moment de vous dire quel sera mon programme des prochaines semaines.

La mise en bouche démarre fort, puisqu’il s’agit de la présence de votre serviteur à la Fête de l’Humanité du vendredi 15 septembre après-midi jusqu’au dimanche 17 en fin de journée. Vous m’y retrouverez au stand des Éditions Arcane 17, dans le Village aux Livres. J’aurai le plaisir d’y dédicacer mon nouveau roman « N’y voyez rien de personnel », mais aussi « Jour de Colère » et notre recueil collectif « Mortelles primaires ».
Ensuite je serai :
            Le 23 septembre au salon Des mots pour un bien à Vic Bigorre.
          Les 30 septembre et 1er octobre au Salon du Livre Pyrénéen de Bagnères-de-Bigorre, sur le stand de mon éditeur.
            Le 7 octobre au Salon du Livre Profane et Sacré de Lourdes, à la médiathèque.
            Le 8 octobre Au Salon du Marque-Page à Muret.
            Les 28 et 29 octobre au Salon des Gourmets des Lettres à Toulouse.
            Le 19 Novembre à La Barthe de Neste.
            Le 3 décembre au salon du roman policier d’Auch
            Le 9 décembre au Salon d’Argelès Gazost.

Comme vous le voyez une rentrée chargée, principalement dédiée à faire connaître mon petit dernier, mais où mes autres livres ne seront pas oubliés. J’espère avoir le plaisir de vous croiser à l’une ou l’autre de ces manifestations et d’échanger avec vous ami(e)s lectrices et lecteurs.


mercredi 5 juillet 2017

N'y voyez rien de personnel, mon dernier roman en date.

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Après quatre romans décrivant des enquêtes du commissaire Ney, j’ai eu envie d’une pause pour me confronter à une autre forme du roman policier, à savoir le thriller. Envie de passer du suspense créé par l’énigme (qui parmi les suspects est le meurtrier et pourquoi a-t-il agi ainsi ? ) à celui (plus délicat à mettre en œuvre) de la confrontation entre deux volontés, celle du chasseur d’un côté et de sa proie de l’autre. Confrontation ludique, certes, puisqu’elle s’apparente à un jeu (d’échecs, de stratégie …) mais un jeu où la mise n’est ni plus ni moins que la vie de l’un des deux protagonistes.
Dans le thriller ce jeu s’installe à plusieurs niveaux. Bien entendu, il est le cœur du récit mettant en scène des personnages dont les actions réciproques évoluent dans une mise en difficulté de l’un ou l’autre au gré des coups de théâtre que provoque tel ou tel aléa du réel. Mais il y a un second niveau, celui de l’auteur qui se trouve contraint, par les règles de départ de son récit, de concevoir des situations de crise allant crescendo par souci dramatique. Il y a là pour celui qui écrit une jouissance presqu’enfantine à affabuler dans le plus beau sens du terme. Certes, parfois le dénouement de l’action périlleuse nécessite un long et coûteux effort d’imagination. Mais quel régal lorsqu’enfin l’obstacle franchi, on jubile à la surprise que ressentira le lecteur. Parce qu’il y a enfin un troisième niveau de jeu, celui auquel est convié le lecteur qui très artificiellement se retrouve à observer les deux camps. Initié aux ruses de l’un et l’autre protagoniste il se trouve embarqué, de fait, dans la délicieuse indécision de la situation et suppute les chances (et moyens) de réussite de chacun des personnages.

Le point de départ de ce nouveau roman, « N’y voyez rien de personnel », peut se résumer à trois questions. Que peut-il bien se passer dans la tête d’un tueur à gages lorsqu’il exécute une victime ? Comment peut-il vivre avec l’horreur de son geste sur la conscience ? D’ailleurs, un tueur a-t-il une conscience ? Ces questions à la fois morales et psychologiques s’imposent au personnage principal, Monsieur René, lorsqu’au bout d’une trentaine d’années de carrière il décide par lassitude de raccrocher ses armes. Commence alors un récit autobiographique que le narrateur nous signale d’emblée expurgé de tout élément permettant de lui définir une identité certaine. Monsieur René tient sa plume fermement, il est une énigme vivante et s’attache à le rester au-delà de la mort.
Si j’en était resté là, ça aurait été un roman d’aventure. Il y a donc un déclencheur qui va troubler la quiétude de Monsieur René, une nouvelle offre de contrat. Le contrat de trop ? Premier suspense.

Or, très rapidement le besoin de pimenter le récit des « exploits » du tueur m’a incité à introduire une seconde intrigue autour du commissaire Gouarec, un haut cadre de l’Inspection Générale de la Police Nationale (un bœuf-carotte dans le jargon policier). Si le grand public connait l’Inspection Générale des Services et l’IGPN à travers leurs interventions lors de « bavures » policières, ces deux vénérables institutions mènent au jour le jour des inspections beaucoup plus routinières, comme des audits des différentes Écoles de Police (Gardiens, officiers ou commissaires) et de services du Ministère de l’Intérieur. C’est au cours d’une de ces inspections que le commissaire Gouarec va s’intéresser au développement d’un logiciel permettant de traquer les tueurs en série. Et voici donc apparaître l’adjuvant qui fait de Gouarec le héros positif du roman.
Deux héros, deux trajectoires. Il est clair qu’elles ne peuvent que se croiser (sinon il n’y aurait pas de roman). Le carrefour dramatique sera l’exécution d’un suspect au nez et à la barbe des policiers chargés de sa surveillance. Qui dit manquement à leur mission de la part de policiers, signifie intervention de l’Inspection Générale. C’est à ce moment-là que Gouarec suspecte l’action d’un professionnel et réclame l’aide du logiciel. Ce dernier met à jour une partie des contrats de Monsieur René. Mais sera-t-il possible de remonter jusqu’à lui ? Second suspense.
Pour les conseillers du Ministre de l’Intérieur, il faut tricher et offrir une victime au tueur pour le débusquer. Faisant fi de la plus élémentaire déontologie un piège est mis en place, déclenchant une sinistre escalade qui sème les cadavres innocents. Pour autant le prix payé garantira-t-il l’arrestation de Monsieur René ? Ultime suspense.



N’y voyez rien de personnel, aux éditions Arcane 17, collection Polar rouge, sortie juin 2017.
Ce roman a été publié avec le soutien du Centre Régional du Livre Occitanie.

jeudi 20 avril 2017

La balade électrique d'Emily Archer, Jof Brigandet

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Sam Scott sous une apparence d'homme d'affaires prospère est en fait un tueur en série imprévisible qui a échappé jusqu'à présent à la vigilance du FBI. Taciturne il n'a qu'un seul ami John, chauffeur routier un peu spécial. Au moment où une belle somme d'argent lui revient il va enfin pouvoir réaliser son rêve et acheter l'appartement mitoyen du sien. Malheureusement le bien qu'il convoitait lui est soufflé par William Archer et sa fille Emily. Il n'en faut pas plus pour que Sam Scott décide de les supprimer. Tâche relativement facile lui semble-t-il parce qu'Emiliy est lourdement handicapée. Mais c'est compter sans l'ironie du sort qui va multiplier les obstacles à son sinistre projet.

Avec ce thriller atypique, Jof Brigandet nous emmène à la suite d'un personnage à priori antipathique dans un labyrinthe de situations improbables où, petit à petit, le lecteur va s'attacher à Sam Scott. L'écriture est simple et efficace, tandis que la structure narrative en trois blocs et un épilogue réserve quelques surprises de taille. Jof  Brigandet nous propose un excellent premier roman policier jubilatoire, qui se lit d'une traite. À quand le suivant ? 

La balade électrique d'Emily Archer de Jof Brigandet est parue aux éditions du Caïman. 

Chronique diffusée le samedi 8 avril 2017, lors de l'émission  "Un jour, un livre un auteur" sur Radio Présence Lourdes.


Carré noir sur fond noir, Philippe Paternoli.

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Le commissaire Vincent Erno et Claire sa compagne sont installés depuis quelques mois à Plassans petit village entre Var et Bouches du Rhône lorsque à la suite de ce qui ressemble à un attentat lors de l'enterrement de Jacques Delaunay, ancien président du Conseil d'Etat et potentat local, il est chargé de l'enquête. Celle-ci vise autant à valider la thèse de l'attentat auquel ont miraculeusement échappés tous les hauts personnages de la République française, qu'à retrouver la trace de six mystérieux tableaux qui ont disparu du domicile du défunt.

Quel rôle Erno doit-il interpréter dans l'esprit de son mystérieux patron, Renoir. Rompu aux affaires délicates et discrètes, le commissaire n'a de cesse de multiplier les précautions et faire appel à des collaborateurs extérieurs à son service. Las, il constate rapidement que malgré ses précautions des membres de l'énigmatique Cube (un service de renseignement véritable citadelle dans la citadelle du renseignement) n'ont aucune difficulté à suivre sa trace. À moins que ce ne soient des sbires à la solde de Renoir son propre patron.

Dans un vertigineux jeu de pistes, qui zigzaguent en un trompe l'œil digne de Escher, Philippe Paternoli s'amuse à changer les focales et mener son héros (et bien entendu le lecteur) dans des situations qui s'avèrent en définitive être toutes autre lorsqu'il pense les avoir saisies. Comme s'il n'était pas possible d'établir un contraste entre vérité et mensonge, ce qui justifie admirablement le titre. L'écriture est nerveuse, les moments de tension s'enchaînent à un rythme endiablé, au point que lors des rares épisodes de quiétude du héros on se prend à trembler à la perspective d'un coup de théâtre qui, frisson suprême, n'arrive que de façon aléatoire.
Un livre parfait pour les amateurs de jeux troubles et d'actions endiablées.


Carré noir sur fond noir de Philippe Paternoli est paru aux éditions Caïman.

Chronique diffusée le samedi premier avril 2017, lors de l'émission  "Un jour, un livre un auteur" sur Radio Présence Lourdes.

vendredi 27 janvier 2017

Brigadistes, Collectif, Éd. Caïman

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Brigadistes est un recueil de 20 nouvelles coordonnées par Patrick Aman qui poursuit ainsi son exploration de l'Espagne républicaine.

En juillet 1936 un coup d'Etat fasciste s'attaque à la toute jeune seconde république espagnole. Sous la pression du Royaume-Uni, la France se plie à la prétendue politique de non-intervention, abandonnant ainsi l'Espagne aux hordes nationalistes soutenues ouvertement par l'Allemagne nazie et l'Italie mussoliniene qui déploient des troupes terrestres et aériennes contre l'armée républicaine. Indignés par la lâcheté de leurs gouvernements des dizaines de milliers de jeunes gens de tous pays, hommes et femmes confondus, vont, sous l'impulsion du Komminterm, s'engager aux côtés des troupes loyalistes. C'était en octobre 1936. Ainsi naissait l'épopée des Brigades internationales qui, deux années durant, allaient combattre les nationalistes et leurs alliés avec bravoure, malgré un équipement insuffisant à cause du blocus des nations démocratiques et contrairement à leurs ennemis leur manque de préparation militaire.

Dans ce recueil de 20 nouvelles Patrick Amand et les 19 autres auteurs, parmi lesquels de grands noms du polar, mais aussi certains plus étonnant comme Cali, nous donnent l'occasion de vivre au plus près de ces destins héroïques. Nous sommes ici loin d'un panégyrique béat, la complexité des enjeux et des contradictions internes au camp républicain (la concurrence mortelle entre communistes -aussi bien staliniens que trotskistes- et anarchistes se dessine à travers le kaléidoscope des différents textes) y sont parfaitement posées. La diversité des styles, la pluralité des points de vue exposés font de ce recueil un excellent passeur pour découvrir cette page méconnue par nombre de nos contemporains.

80 ans après ce cri d'espoir d'une jeunesse indignée de la couardise de leurs dirigeants, il est plus que temps de faire sortir de l'ombre ces combattants. Non seulement par devoir de mémoire, mais surtout pour donner à voir qu'il est possible de se dresser contre la bête immonde qui aujourd'hui ressurgit un peu partout autour de nous. Hier comme maintenant il est primordial de crier : ¡ No pasarán !

Brigadistes, Ouvrage collectif sous la direction de Patrick Amand est paru aux Éditions Caïman.  


Chronique diffusée le samedi 21 janvier, lors de l'émission  "Un jour, un livre un auteur" sur Radio Présence Lourdes.

mercredi 18 janvier 2017

Du pin et des larmes, Philippe Mediavilla

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Bayonne ses fêtes et sa douceur de vivre, cette image d'Epinal Philippe Mediavilla l'écorne passablement dans ce premier roman nourri de sa connaissance de la ville et surtout des  mécanisme économiques et sociaux qui s'agitent dans une indifférence polie des médias. Quelle raison obscure a pu pousser le capitaine d'un navire ukrainien amarré au port à tenter d'assassiner Marco, un écolo-anarchiste taciturne et imprévisible ? Qui commandite les hommes de main qui ne cessent de l'importuner lui et sa famille ? En parallèle Laurent secrétaire de l'Union locale CGT de Bayonne essaye de comprendre pourquoi Txomin un militant aimé et respecté de tous semble s'être suicidé dans les eaux froides de l'Adour. Il faudra beaucoup de doigté à Agnès, jeune lieutenant de police récemment promue à Bayonne, pour apprivoiser Marco et Laurent dont l'aversion pour les policiers est quasiment viscérale et ainsi conduire une délicate enquête mettant en évidence la gestion mafieuse du bois issu de la tempête Klaus de 2009.

Philippe Mediavilla connaît bien le milieu ouvrier puisqu'il a été durant de longues années responsable syndical dans les Landes. Dans ce cadre il a suivi de près les questions de la filière bois au niveau régional, et son roman est donc parfaitement documenté. L'auteur nous entraîne dans une enquête passionnante, où la tension ne se détend qu'aux passages plus personnels décrivant les trois personnages principaux. L'écriture, sans affectation, est plaisante, efficace. Bayonne, son port et la forêt landaise ne sont pas de simples décors mais des personnages à part entière avec lesquels les différents protagonistes, héros ou crapules, doivent composer. Un joli premier roman, instructif et distrayant. 

Du Pin et des larmes de Philippe Mediavilla est paru aux éditions Cairn.

Chronique diffusée le samedi 14 janvier, lors de l'émission  "Un jour, un livre un auteur" sur Radio Présence Lourdes.