mercredi 15 mai 2019

Une tache indélébile de Philippe Jarzaguet

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Le Commandant Antoine Brassac vient d’être nommé attaché de sécurité intérieure à Nicosie, capitale de l’ile de Chypre. Son ancien indicateur Rino dit « le maquereau » le contacte juste avant son départ de la PJ pour l’informer de la mise en place d’une nouvelle filière de trafic de drogue et d’êtres humains. Coïncidence ou coup de chance le double trafic est destiné à Chypre. Sur place le policier, en collaboration avec son homologue britannique d’une part et les autorités policières locales, va devoir faire preuve de perspicacité et surtout de beaucoup de doigté car face à lui les suspects sont légion. D'abord il y a deux jeunes braqueurs au QI de moule, ensuite Lakis, Andreas et Spyros trois honorables commerçants le jour, mais maîtres des nuits interlopes de la capitale chypriote ainsi qu'Arda ami d’enfance de Spyros ; le premier est chypriote turc, le second chypriote grec, enfin l'ex-général turc Erdem qui contrôle un réseau maffieux chypriote turc. Sans compter la présence énigmatique de la troublante assistante du procureur de la République Turque de Chypre Nord.
En une suite de brèves séquences qui nous introduisent auprès de chaque protagoniste, de Paris à Saint Domingue, de Marseille à Nicosie en passant par Madagascar l’auteur construit son récit comme un kaléidoscope aux couleurs exotiques. Petit à petit Philippe Jarzaguet élabore les pièces d’un piège mortel faisant monter la tension du lecteur. L'écriture est nerveuse, l’intrigue complexe et palpitante, le tout servi par une connaissance très précise des lieux et procédures. Un roman agréable à lire, parfait pour oublier ses soucis quotidiens.


Une tache indélébile de Philippe Jarzaguet, éditions Persée.

Cette chronique a été diffusée dans l'émission "Un jour, un livre, un auteur" sur Radio Présence Lourdes le  15 mai 2015.

dimanche 5 mai 2019

H.S. de François Salvaing

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H.S. Hors service, c’est la volonté politique qui de 1976 à 1984 conduira la sidérurgie lorraine à cette extrémité. François Salvaing nous décrit à travers le retour, 30 ans plus tard, sur un fait divers local la lente agonie de ce fleuron séculaire de l’industrie française. Le narrateur, ancien journaliste, revient vers des témoins privilégiés de l'époque pour poser le récit de cette histoire d’amour tragique. C’est ainsi que les nombreuses rencontres, près de la gare de l’Est à Paris, à Nancy, Metz ou dans les villes sinistrées du Pays Haut brossent un tableau douloureux des abandons, mensonges et trahisons qui ont détruit le tissu social d’une région entière, enjoignant aux femmes et hommes d'abandonner ce qui les constituait en tant que culture vivante sans le moindre égard pour la blessure que cet arrachement pouvait constituer.
C’est en journaliste rompu au croisement des témoignages que François Salvaing nous invite à cette plongée douloureuse. Son écriture précise cerne au plus près les faits dans ces discours pluriels, faisant émerger une réalité sociale agressée. Il restitue l’ambiance combative mais aussi la lente montée de la résignation face à ce que les chantres de la modernité présentent comme un destin inéluctable. Et c’est bien dans l'allégorie d’un double amour inacceptable et de fait voué à la destruction que l’auteur nous dévoile l’irruption du fatum dans le quotidien le plus banal. Un bel hommage à la résistance, malgré la dissymétrie des forces. Une œuvre nostalgique et poignante, d’une extraordinaire actualité car trente ans plus tard, le néolibéralisme triomphant n’a plus de ces pudeurs et frappe à visage découvert avec un cynisme arrogant.

 H.S. de François Salvaing aux éditions Arcane 17.

Cette chronique a été diffusée dans l'émission "Un jour, un livre, un auteur" sur Radio Présence Lourdes le  1er mai 2019.