Après quatre
romans décrivant des enquêtes du commissaire Ney, j’ai eu envie
d’une pause pour me confronter à une autre forme du roman policier, à savoir le
thriller. Envie de passer du suspense créé par l’énigme (qui parmi les suspects
est le meurtrier et pourquoi a-t-il agi ainsi ? ) à celui (plus délicat à
mettre en œuvre) de la confrontation entre deux volontés, celle du chasseur
d’un côté et de sa proie de l’autre. Confrontation ludique, certes, puisqu’elle
s’apparente à un jeu (d’échecs, de stratégie …) mais un jeu où la mise n’est ni
plus ni moins que la vie de l’un des deux protagonistes.
Dans le
thriller ce jeu s’installe à plusieurs niveaux. Bien entendu, il est le cœur du
récit mettant en scène des personnages dont les actions réciproques évoluent
dans une mise en difficulté de l’un ou l’autre au gré des coups de théâtre que
provoque tel ou tel aléa du réel. Mais il y a un second niveau, celui de
l’auteur qui se trouve contraint, par les règles de départ de son récit, de
concevoir des situations de crise allant crescendo par souci dramatique. Il y a
là pour celui qui écrit une jouissance presqu’enfantine à affabuler dans le
plus beau sens du terme. Certes, parfois le dénouement de l’action périlleuse
nécessite un long et coûteux effort d’imagination. Mais quel régal lorsqu’enfin
l’obstacle franchi, on jubile à la surprise que ressentira le lecteur. Parce
qu’il y a enfin un troisième niveau de jeu, celui auquel est convié le lecteur
qui très artificiellement se retrouve à observer les deux camps. Initié aux
ruses de l’un et l’autre protagoniste il se trouve embarqué, de fait, dans la
délicieuse indécision de la situation et suppute les chances (et moyens) de
réussite de chacun des personnages.
Le point de
départ de ce nouveau roman, « N’y voyez rien de personnel », peut se
résumer à trois questions. Que peut-il bien se passer dans la tête d’un tueur à
gages lorsqu’il exécute une victime ? Comment peut-il vivre avec l’horreur
de son geste sur la conscience ? D’ailleurs, un tueur a-t-il une
conscience ? Ces questions à la fois morales et psychologiques s’imposent au
personnage principal, Monsieur René, lorsqu’au bout d’une trentaine d’années de
carrière il décide par lassitude de raccrocher ses armes. Commence alors un
récit autobiographique que le narrateur nous signale d’emblée expurgé de tout
élément permettant de lui définir une identité certaine. Monsieur René tient sa
plume fermement, il est une énigme vivante et s’attache à le rester au-delà de
la mort.
Si j’en était resté
là, ça aurait été un roman d’aventure. Il y a donc un déclencheur qui va
troubler la quiétude de Monsieur René, une nouvelle offre de contrat. Le contrat
de trop ? Premier suspense.
Or, très
rapidement le besoin de pimenter le récit des « exploits » du tueur
m’a incité à introduire une seconde intrigue autour du commissaire Gouarec, un
haut cadre de l’Inspection Générale de la Police Nationale (un bœuf-carotte
dans le jargon policier). Si le grand public connait l’Inspection Générale des
Services et l’IGPN à travers leurs interventions lors de « bavures »
policières, ces deux vénérables institutions mènent au jour le jour des
inspections beaucoup plus routinières, comme des audits des différentes Écoles
de Police (Gardiens, officiers ou commissaires) et de services du Ministère de
l’Intérieur. C’est au cours d’une de ces inspections que le commissaire Gouarec
va s’intéresser au développement d’un logiciel permettant de traquer les tueurs
en série. Et voici donc apparaître l’adjuvant qui fait de Gouarec le héros
positif du roman.
Deux héros,
deux trajectoires. Il est clair qu’elles ne peuvent que se croiser (sinon il n’y
aurait pas de roman). Le carrefour dramatique sera l’exécution d’un suspect au
nez et à la barbe des policiers chargés de sa surveillance. Qui dit manquement
à leur mission de la part de policiers, signifie intervention de l’Inspection
Générale. C’est à ce moment-là que Gouarec suspecte l’action d’un professionnel
et réclame l’aide du logiciel. Ce dernier met à jour une partie des contrats de
Monsieur René. Mais sera-t-il possible de remonter jusqu’à lui ? Second
suspense.
Pour les
conseillers du Ministre de l’Intérieur, il faut tricher et offrir une victime
au tueur pour le débusquer. Faisant fi de la plus élémentaire déontologie un
piège est mis en place, déclenchant une sinistre escalade qui sème les cadavres
innocents. Pour autant le prix payé garantira-t-il l’arrestation de Monsieur René ?
Ultime suspense.
N’y voyez rien de personnel, aux éditions Arcane 17,
collection Polar rouge, sortie juin 2017.
Ce roman a été
publié avec le soutien du Centre Régional du Livre Occitanie.