Dans son
dernier roman, « Le chargeur n’a que
20 balles », Anne Waddington nous raconte la rivalité tragique qui
oppose deux frères, Paul l’aîné, issu d'un premier mariage, et Gabriel son
cadet. Tout cela sur fond de Résistance à l’occupant nazi et aux collaborateurs
de Vichy, comme le suggère le titre qui reprend la fin d’une des phrases codées
de Radio Londres destinée au maquis de Vabre. Paul, enfant timide et fade, mal aimé
par son père, Aubin, ne cesse de rechercher des signes de reconnaissance de
celui-ci. Aubin grand blessé de la Grande Boucherie de 14-18 perçoit ce fils
conçu pendant une permission comme le signe concret de ses souffrances. Au contraire, Gabriel, sociable et brillant, est
l’objet de toutes les attentions d’Aubin. Le catalyseur qui transformera cette
rivalité en haine féroce est la rencontre de France, jeune fille parisienne
réfugiée avec sa famille à Toulouse. Or, la famille Blach bien que catholique depuis deux génération
est désignée juive par les autorités. Paul va alors protéger France et ses
parents de bien étrange façon… je n’en dirai pas plus. Sachez seulement que
trahisons, manipulations et faux semblants vont s’enchainer en une mécanique
implacable mue par un deus ex machina sans pitié.
Dans ce
roman Anne Waddington reprend les personnages de « Membre(s) fantôme » et donc la suite du destin de ceux-ci,
faisant la part belle à la génération suivant Justine, Irène, Aubin. Rapidement
l'action quitte la ville de Toulouse pour s’enraciner dans la quotidien d’un
petit bourg des monts de Lacaune où la défaite de 40 puis l’Occupation
bouleversent la vie des habitants. Antisémitisme, appât du gain, jalousies,
grandeurs et lâchetés sont les ingrédients qu’utilise l’auteur avec talent pour
brosser un tableau très réaliste de cette époque sombre. Les personnages,
nombreux, sont mis en valeur pour le meilleur comme le pire. Le doute, la
souffrance, la foi sont autant de sentiments qui les traversent hors de tout
manichéisme. La plume est alerte, sans pathos. Le récit cru ne cherche ni à
édulcorer ni à magnifier la violence. Qu’elle soit latente ou déchaînée elle
suinte donnant bien le ton tragique de cette terrible époque. Formidablement
étayée par un travail documentaire, dont les notes au fil du livre rendent
compte, cette fresque est palpitante et restitue un grand moment d’Histoire. À
lire avec profit en ce moment de brouillage de nos repères.
Le chargeur n'a que 20 balles, Anne Waddington aux éditions La Plume d'Alain.
Cette chronique a été diffusée le 20 janvier 2018 lors de l’émission Un jour, un livre un auteur sur Radio Présence Lourdes.
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