Fin 1960, les
« évènements » comme on nomme pudiquement la guerre d’Algérie ont
débordé sur le territoire métropolitain : ratonnades, attentats et exécutions
sommaires se suivent avec de moins en moins de répit. Policiers, militants du
FLN et leurs soutiens tombent sous les balles des deux camps. Mais jusqu’à
présent seuls les sans-grade sont touchés. Or, les choses prennent une autre
tournure lorsque Louis Gerbaut, puis Paul Cottard, deux hauts fonctionnaires de
la DST sont égorgés en plein cœur de la capitale. Pour résoudre cette affaire
la Crim’ fait appel à Paolo Fragoni, un jeune policier aux méthodes atypiques
qui végète aux archives après un faux pas.
Accompagné de Duval un flic ayant
vécu la période de l’Occupation il va devoir faire la part des choses entre le
passé collaborationniste des deux victimes et leurs activités actuelles
d’élimination des activistes de l’indépendance algérienne. Mais Fragoni n’est
pas le seul à vouloir retrouver le meurtrier, à ses trousses il y a aussi des
barbouzes du SAC et de la FPAP, un mouvement de supplétifs musulmans, et tout
ce joli monde se déplace de Paris à Toulouse, puis Perpignan avant de se
retrouver à Madrid.
Yves Carchon entraîne le lecteur avec
brio des heures noires de l’Occupation à celles dramatiques qui voient la
naissance de la Vème république et la fin de la guerre d’Algérie. L’auteur fait
preuve d’une connaissance documentée de ces deux périodes, qui plonge le
lecteur dans ce monde interlope des auxiliaires du pouvoir, faux démocrates
mais vrais truands. Vieux flics rescapés de la collaboration, sortis du placard
pour cause d’expérience dans la traque des communistes ou résistants et qui
prospèrent dans des officines plus ou moins légales. C’est avec une plume
tranchante qu’Yves Carchon nous happe, et sans nous laisser de répit nous
conduit à l’acmé de ce récit tragique. À lire avec attention pour ne pas
oublier qu’à défaut de rédemption seuls reviennent les vieux démons.
Les vieux démons, Yves Carchon aux Éditions Cairn.