La route file, tantôt rectiligne, tantôt sinueuse, sous un soleil de plomb. Depuis Despeñaperros elle plonge inexorablement vers la plaine. La chaleur est étouffante et l'air vibre faisant ondoyer le paysage aride qui enchâsse le long ruban d'asphalte jusqu'aux crêtes abruptes, qu'attaquent imperturbables de longues rangées d'oliviers centenaires. Pour le voyageur d'aujourd'hui le massif de Despeñaperros, frontière climatique invisible mais ô combien réelle entre l'Espagne européenne et l'africaine, est un banal tunnel routier qui engloutit la quatre voies. Pourtant il y a trente ans à peine on y suivait des camions asthmatiques, peinant à gravir les raides lacets qui escaladaient le massif. La fumée noire des échappements, les hoquettements des carcasses maflues aux fenêtres desquelles on apercevait des chauffeurs en marcel maculé de gazole, les hautes ridelles aux bâches salies, donnaient à voir une répétition du "Salaire de la peur". Et la voiturée frémissait, partagée entre peur et excitation lorsqu'un tronçon plus large permettait enfin de dépasser le véhicule traînant qui, avec courtoisie, frôlait l'abîme pour faciliter la manœuvre.
La plaine, ou plutôt le plateau car on se situe entre 700 et 800 mètres, s'étire jusqu'à perte de vue, beige, striée de longues lignes d'un vert grisâtre. Les oliviers, par milliers, emplissent le paysage de leurs troncs torturés aussi loin que le regard porte. Au loin, quelque village aux maisons blanches se blottit contre un éperon rocheux. Mais la plupart du temps ce ne sont que longues colonnes d'arbres quadrillant cette terre aride. Parfois, un tracteur au travail soulève un large nuage de poussière grise dérivant vers la route pour finir sur les carrosseries des rares véhicules. De temps à autre la monotonie des champs d'oliviers est rompue par la présence d'une finca isolée au coeur de l'oliveraie. Alors, le voyageur s'étonne que l'on puisse vivre ainsi, perdu au milieu de nulle part, entouré de cailloux arides et d'arbres secs que nul animal ne semble fréquenter. De même, l'apparition d'une station service flanquée de son traditionnel restaurant dans ce vide humain semble incongrue. Et l'on se plaît à penser que si les moyens de transport ont changé depuis le seizième siècle, les antiques posadas qui offraient le couvert au voyageur et la ration de son à sa monture se sont adaptées. Ici la salle à manger sombre est fraîche, les plats simples sont encore ceux qui se mangeaient aux siècles passés. Si la cheminée a disparu, les jambons suspendus, l'odeur d'épice et de ragoût flotte toujours au dessus du long comptoir en bois brun derrière lequel l'aubergiste a troqué sa blouse sale contre le tablier noir des garçons de brasserie.
Fidèles à la tradition, mais plus vraisemblablement aux conditions climatiques, les vastes espaces de la Mancha que traverse le voyageur sont plantés de centaines de troncs immaculés aux pales tournant paresseusement, comme engourdies par l'atmosphère torride. Mais contrairement à l'époque du "Chevalier à la triste figure" ce ne sont plus des régiments de moulins à vent produisant l'huile d'olive, seulement des champs d'éoliennes. Pourtant, de temps à autre, perchés au sommet d'un promontoire rocheux deux ou trois cylindres de pierre blanchie à la chaux, coiffés d'un cône de chaume délavé par les années, rappellent que ce fut une terre à moulins. Hélas, les voiles ôtées, révélant le squelette de bois des pales indiquent que désormais ces derniers vestiges d'une époque révolue sombrent lentement dans l'oubli.
Soudain les crêtes isolées qui égayaient parfois la plate étendue poussiéreuse se transforment en une barrière rocheuse que la route longe. Nous voici arrivés près de la Sierra Morena. Bientôt nous dépasserons Valdepeñas quittant alors la Mancha pour l'Andalousie. Le paysage devient plus chaotique, sans parvenir à se débarrasser des oliviers. La plaine se resserre entre des monts escarpés et rocailleux. L'un d'entre eux se dresse presqu'isolé, couronné d'une citadelle menaçante. Contre son flanc pelé une ville blanche s'accroche, semblable aux antiques cités maures. Nous voici arrivés à Jaén.
Il est des voyages ou les souvenirs reviennent les années passent mais la mémoire nous fait resurgir une vision d'un paysage et d'une vie de dur labeur; la traverser des plaines de la Mancha telle un un Don Quichotte luttant contre des moulins a vent disparue qui apparaissant telles des fantômes du haut des collines et remplacer par un champs d’éoliennes brassant l'air , traversant des champs d'oliviers a perte de vue apercevant du haut d'un mont rocailleux une citadelle qui fut j adisse un lieu de défense et de protection pour les paysans et apparaît une ville accrochée a son flanc toute blanche " Jaén " TRÈS BON SÉJOUR DIEGO ET MERCI POUR CE BEAU VOYAGE (Mamie Annie)
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