La vie d'Henri semble toute tracée dès son enfance. Fils et petit fils de paysan, il reprendra l'exploitation que les générations qui l'ont précédé ont travaillée sans relâche et agrandie avec opiniâtreté. Son existence se résumera à la copie de celle des héritiers de ce coin des Baronnies, au-dessus de Bagnères-de-Bigorre. Concentré sur les soins au bétail, les labours et les moissons, il sera un taiseux. Réservant son énergie exclusivement au service de la terre. Ce destin contraint semble d'autant plus évident qu'Henri, parce qu'il est de petite taille, est en butte aux sarcasmes des autres adolescents qui le surnomment le cagot. Sur ces terres, depuis le haut Moyen-Âge, cette étiquette est accolée aux parias. Minorité vivant en marge de la communauté, ostracisée jusque dans la mort puisque les dépouilles des cagots ne pouvaient reposer que loin des autres défunts. Pourtant l'adolescent se découvre un amour total pour les mots et, repéré par ses enseignants, il dévorera en cachette des dizaines de livres.
Tout aurait pu en rester-là sans l'étrange rencontre de Bénédicte, un jour d'été. La jeune femme peint une ruine de la propriété -la grange des Abadie- et va bouleverser la vie du jeune garçon. Désormais, atteint du virus de la création, il sera contraint d'écrire par crises successives. Sa compulsion le mine. Alors un jour il se décide à partir en quête de Bénédicte, pour qu'elle réponde aux multiples questions qu'il se pose, et peut être le guérisse de ce virus.
Avec Les Pierres de Mémoires, Philippe
Nonie nous livre un récit à plusieurs niveaux. Ancrée dans la réalité, la
description des ressorts d'un déterminisme social qui broie les êtres se trouve
bientôt confrontée à l'irruption du merveilleux. Comme toujours chez l'auteur,
la cohabitation de ces deux regards sur le monde se déroule avec un naturel
confondant. Ainsi, ce beau texte navigue agréablement entre conte et roman. D’abord,
Philippe Nonie nous brosse par touches larges quelque chose de la frénésie de
celui qui crée. De l'auteur. Cette obsession qui dévore non seulement celui qui
écrit, mais aussi l'entourage dès lors passé au second rang des préoccupations.
Mais au-delà de cette autobiographie fictive, Philippe Nonie nous parle de
mémoire, de transmission, de re appropriation de ses racines. Il nous dit que
face à cette renaissance, les douleurs de l'enfantement ne peuvent s'éviter. Henri
découvre par strates la vérité sur ce qui le relie au passé de sa famille, mais
aussi que ce passé singulier résonne, vibre avec d'autres passés. Nos vécus,
nos sentiments, nos douleurs sont uniques, intransmissibles.... et pourtant
nous souffrons, nous nous émerveillons avec l'Autre. Avec cet étranger qui nous
fait face. Malgré notre solitude humaine intrinsèque nous partageons ce que vit
l'Autre. L'empathie est notre sort commun et c'est elle qui nous sauve de
l'angoisse de la solitude radicale de nos existences.
Ce très beau roman nous émeut parce
qu'il touche ce qu'il y a de plus universel en nous. Ayons le courage d'écouter
ce qu'ont à nous dire les pierres de mémoire.
Les pierres de mémoires, de Philippe
Nonie aux éditions Paul&Mike
Cette chronique a été diffusée le 9 avril 2016 lors de l'émission Un jour, un livre, un auteur sur Radio Présence Lourdes.
Cette chronique a été diffusée le 9 avril 2016 lors de l'émission Un jour, un livre, un auteur sur Radio Présence Lourdes.
Merci de m’avoir fait découvrir ce roman ! Je l’ai lu d’une traite, il est prenant, émouvant, abouti, tout en symboles, et empli de belles idées. Je me suis régalée. Une bien jolie rencontre avec Henri, personnage très touchant et attachant.
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