lundi 3 octobre 2016

Le Mont Perclus de ma solitude de Fred Léal aux éditions P.O.L.

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Le narrateur, appelons-le Fred par exemple, écrivain jouissant d'une notoriété relative, et grimpeur averti, est invité par des membres du Club Alpin de Toulouse à parcourir à nouveau un itinéraire partant de Gavarnie en direction du Mont Perdu, itinéraire qui avait été le décor de son précédent roman. Le voici donc embarqué au sein d'un groupe pour le moins étrange, pour cette randonnée aux objectifs incertains. Ils marchent ensemble mais dans une singulière solitude réciproque ce qui exacerbe la paranoïa naturelle du narrateur. Mais pourquoi l'ont-ils sollicité ? Que cherchent-ils à découvrir ou à lui faire avouer ? Insensiblement la tension monte... jusqu'au drame.

Dans ce récit d'une apparente simplicité Fred Léal ne nous livre aucune clé de décodage. De la pensée à l'état brut, que traversent des émotions parfois contradictoires, entrecoupée de dialogues souvent anodins et de situations improbables. Ah! ces coups de fil passés avec le cellulaire, enfermé dans une cabine téléphonique, peut être désaffectée. Ou ces longues stations aux latrines destinées à cacher le coup de fil interdit. Délire de persécution ou expédition justicière pour punir l'auteur de dévoiler la montagne ? Le lecteur ne peut trancher, l'auteur lui cachant les motivations de chacun. Il reste à supputer, à reconstituer des mobiles. Au même titre que le narrateur le lecteur se retrouve seul pour tenter de reconstituer le sens profond de l'histoire.

Mais n'allez pas croire que ce roman (?) est triste. Au contraire il y a une sorte de jubilation dans la noirceur qui imprègne lentement l'histoire. Une ironie mordante qui relativise le drame en train de se jouer. Un dernier mot pour parler de l'écriture de Fred Léal. On pourrait dire qu'il s'agit d'un roman pictural tant la mise en page, l'organisation des phrases et l'imbrication des pensées, des éléments du décor qui entourent le narrateur, des dialogues des autres protagonistes composent au sens visuel du terme un tableau narratif. Lecteur précoce de la Beat génération j'ai retrouvé en Fred Léal quelque chose qui s'inscrit entre un William Burrough lisible, un John Dos Pasos naturaliste ou plus près de nous et dans un autre registre un W.G. Seebald qui se serait affranchi des photos-collages. 

--> Le Mont Perclus de ma solitude de Fred Léal aux éditions P.O.L.  Ce roman a obtenu le Prix Littérature au 7° Salon du Livre Pyrénéen de Bagnères-de-Bigorre. 
Chronique diffusée le samedi premier octobre 2016, lors de l'émission "Un jour, un livre un auteur" sur Radio Présence Lourdes, en direct depuis le Salon de Bagnères.

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