Le narrateur, appelons-le Fred par
exemple, écrivain jouissant d'une notoriété relative, et grimpeur averti, est
invité par des membres du Club Alpin de Toulouse à parcourir à nouveau un
itinéraire partant de Gavarnie en direction du Mont Perdu, itinéraire qui avait
été le décor de son précédent roman. Le voici donc embarqué au sein d'un groupe
pour le moins étrange, pour cette randonnée aux objectifs incertains. Ils
marchent ensemble mais dans une singulière solitude réciproque ce qui exacerbe
la paranoïa naturelle du narrateur. Mais pourquoi l'ont-ils sollicité ? Que
cherchent-ils à découvrir ou à lui faire avouer ? Insensiblement la tension
monte... jusqu'au drame.
Dans ce récit d'une apparente
simplicité Fred Léal ne nous livre aucune clé de décodage. De la pensée à
l'état brut, que traversent des émotions parfois contradictoires, entrecoupée
de dialogues souvent anodins et de situations improbables. Ah! ces coups de fil
passés avec le cellulaire, enfermé dans une cabine téléphonique, peut être
désaffectée. Ou ces longues stations aux latrines destinées à cacher le coup de
fil interdit. Délire de persécution ou expédition justicière pour punir
l'auteur de dévoiler la montagne ? Le lecteur ne peut trancher, l'auteur lui
cachant les motivations de chacun. Il reste à supputer, à reconstituer des
mobiles. Au même titre que le narrateur le lecteur se retrouve seul pour tenter
de reconstituer le sens profond de l'histoire.
Mais n'allez pas croire que ce roman
(?) est triste. Au contraire il y a une sorte de jubilation dans la noirceur
qui imprègne lentement l'histoire. Une ironie mordante qui relativise le drame
en train de se jouer. Un dernier mot pour parler de l'écriture de Fred Léal. On
pourrait dire qu'il s'agit d'un roman pictural tant la mise en page,
l'organisation des phrases et l'imbrication des pensées, des éléments du décor
qui entourent le narrateur, des dialogues des autres protagonistes composent au
sens visuel du terme un tableau narratif. Lecteur précoce de la Beat génération
j'ai retrouvé en Fred Léal quelque chose qui s'inscrit entre un William
Burrough lisible, un John Dos Pasos naturaliste ou plus près de nous et dans un
autre registre un W.G. Seebald qui se serait affranchi des photos-collages.
Chronique diffusée le samedi premier octobre 2016, lors de l'émission "Un jour, un livre un auteur" sur Radio Présence Lourdes, en direct depuis le Salon de Bagnères.
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