La
vallée d’Aspe lorsque s’installe l’hiver. Une vallée pyrénéenne comme il y en a
des centaines, verrouillées au pied des pics chenus. Si les nuits sont longues
partout en cette saison, ici plus qu’ailleurs le relief et l’orientation posent
l’obscurité en avance. Seules animations, la noria de camions qui grignotent la
route vers le tunnel du Somport, sans un regard pour le paysage environnant, et
le cortège espacé des pèlerins en route vers Compostelle. Pour le reste il y a
les villageois, rares et esseulés, livrés à eux-mêmes avec pour seule compagnie
leurs bêtes et les souvenirs douloureux. Dans cette obscurité envahissante,
comme privée de Dieu, une seule lumière vacille encore. Celle de Pierre, le
curé de la vallée, qui maintient une vie fragile au monastère de Sarrance.
C’est
dans ce monastère que débarque le narrateur pour y passer quelques semaines.
Les raisons qui l’ont poussé à cet exil ne seront pas dévoilées, il y vient
pour fêter Noël sera notre seul indice. Il y découvre une petite communauté gravitant
autour du prêtre : un ecclésiastique à la retraite, une bonne à tout faire,
quelques mains secourables et des êtres errants, perdus. Une micro société à
l’image de celle de la vallée.
Pierre
Adrian en décrivant ces êtres au cœur d’une vallée sur laquelle s’étend
l’obscurité pose la question : comment être prêtre dans un monde qui a
perdu la foi ? Mais, contrairement à Bernanos qui décrit la déréliction de prêtres dans un monde sur lequel s’étendent les ténèbres,
l’auteur nous donne l’exemple d’un curé qui sert de rocher aux humains
désorientés, croyants ou non, qui peuplent cette vallée. Peu importe que celui
qui fait appel à lui soit un de ses fidèles ou un incroyant avéré, la
solidarité humaine est plus forte que ce détail. Il part dans la nuit
réconforter celui qui doute, qui souffre, qui se languit d’une compagnie.
Avec ce
roman, nourri, fertilisé par les quelques semaines que l’auteur a passées dans
ce monastère, dans cette vallée, Pierre Adrian, d’une plume alerte et parfois
poétique, nous parle de ce qu’il y a de plus universel : la compassion,
l’entraide face au sentiment d’abandon. Le récit se déploie en séquences
sporadiques qui composent au final une belle fresque d’Humanité. Un très beau
roman qui attache le lecteur.
Des âmes
simples de Pierre Adrian aux éditions Equateur 2017.
Cette chronique est un prélude à l'émission Un jour, un livre, un auteur du samedi 20 octobre sur Radio Présence Lourdes. À écouter ici : https://www.radiopresence.com/emissions/programme-local/tarbes-et-lourdes/un-jour-un-livre-un-auteur/article/un-jour-un-livre-un-auteur-40739
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