vendredi 25 juillet 2014

Un cap solitaire

La route s'élève entre la pinède à droite et le béton hôtelier à gauche. Un coude ouvre la perspective sur la mer et le fond du golfe. Ici quelques blocs calcaires rectangulaires ou carrés offrent une pause sympathique au promeneur un peu essoufflé. S'éloignant de la route, un éperon rocheux se glisse vers l'eau, hérissé de pins penchés dans la même direction, vraisemblablement sous l'effet du vent dominant. Si l'envie vous en prend, avancez sous les frondaisons ; vous arriverez rapidement à une sorte d'arche constituée d'un tronc tordu et retordu, blanchi par le sel.  A partir de là, la roche nue s'avance vers la mer, rostre immaculé assailli par les vagues poussées par le vent. Hors du couvert des arbres la chaleur coule du ciel comme du plomb fondu, tandis que des ondes brûlantes remontent votre corps depuis les rochers à l'instar d'une sole de four. Face à vous, la mer étale scintille tel du mercure frissonnant sous l'éclat aveuglant du soleil au zénith. De temps à autre, une ombre adoucit la morsure visuelle, c'est un bateau glissant paresseusement sur les flots calmes, ses grandes voiles faseyant mollement sous une brise amorphe. De part et d'autre de la pointe vous parviennent les cris et rires joyeux d'enfants s'ébrouant au large des plages de sable fin qu'enserrent des rochers solitaires. 

Plus tard, alors que le soleil décline vers l'horizon, la surface de l'eau prend une teinte bleue profonde. La brise marine se lève chargée d'odeurs d'iode et de varech qu'elle échangera bientôt contre les senteurs lourdes des acacias et des camélias qui bordent les larges avenues. La mer, lisse tout à l'heure, se couvre de larges traces d'écume qui convergent sans hâte vers la terre ferme. Lentement, le disque solaire descend vers l'horizon qu'il incendie. De rares nuages se détachent plus sombres sur l'abondance de rouge qui envahit l'espace occidental. Le dégradé se dilue insensiblement vers l'azur intense de la voûte céleste. Voici enfin l'heure bleue qui s'étend. La ligne déchiquetée des promontoires qui ceignent la baie se détache en ombre chinoise sur l'éclat cristallin du crépuscule. Le ciel s'approfondit en une transparence lumineuse sur laquelle percent étrangement les premières étoiles. Progressivement, les stridulations des cigales s'éteignent une à une, remplacées par des gazouillis timides. La clarté s'estompe, les bruits de la nature suivent son exemple. Finalement, seul brise le silence le fragile battement d'aile de quelque chauve-souris en quête de nourriture. 
Et, tandis que les ténèbres s'épaississent, mêlant en une seule masse la terre et la mer, la surface des flots résiste en émettant une faible phosphorescence qui marque la crête des vaguelettes. Elle ira s'estompant au fur et à mesure que la brise marine mollira. Lorsque la nuit profonde aura vaincu le jour, la lune seule creusera les formes du promontoire et la séparation d'avec Mare Nostrum

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