mercredi 2 janvier 2013

Étrange rencontre. IV- L’étrange cadeau

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Sous la lumière blafarde du petit matin, j’émergeai transi d’un bref sommeil inconfortable dans la pièce glaciale. Le feu était mort et le froid s’immisçait lentement sous les couvertures dans lesquelles j’étais enroulé. Un jour grisâtre coulait chichement par les fenêtres. Je cherchai vainement du regard mon compagnon, mais j’étais seul dans la pièce. Un second verre et un autre couvert étaient les seuls vestiges attestant de sa présence. Sans eux j’aurais pu croire avoir rêvé tout cela, surtout lorsque je constatai que le flacon de bourbon était vide. Pour la première fois depuis mon arrivée, je pouvais voir le décor vieillot, aux couleurs fanées. Je remarquais les tâches d’humidité aux murs, les vitres brisées, les boiseries rongées par les moisissures. Mes vêtements étaient heureusement secs, aussi je les enfilai en grelottant. Je constatai que non seulement la neige avait cessé de tomber mais qu’un redoux relatif la faisait refluer. Je m’emmitouflai pour affronter le froid extérieur. Au moment de sortir j’aperçus sous la table, où l’inconnu et moi avions partagé le repas, une serviette en cuir de belle qualité. J’y jetai un œil curieux et constatais qu’elle contenait plusieurs liasses de papier, je l’empoignai pour la remettre à son propriétaire qui ne devait donc pas être loin, ou au pire au factotum en partant. Mais l’accueil était vide, la porte de l’hôtel battait sous l’effet du vent. En y regardant de plus près je constatai que tout était à l’abandon, la décrépitude des lieux montrait que la fermeture de l’établissement ne remontait pas à quelques semaines, mais au moins à dix ans. Je me rendis à l’évidence que mon compagnon d’aventure avait disparu, de même que le portier de cet hôtel. La nuit passée dans ce lieu improbable prenait une teinte d’irréalité, qui ne parvenait cependant pas à effacer la puissance terrifiante du récit que j’avais entendu. Un peu hébété je me glissai dehors et marchai vers ma voiture qui n’était qu’à une dizaine de mètres dans la rue. La petite ville dormait profondément, la plupart des maisons semblaient inhabitées car seules deux cheminées au loin laissaient échapper de minuscules volutes de fumée. Ce n’est qu’en prenant place dans la voiture que je remarquai que j’avais toujours en main le porte-document. Le maroquin était confectionné dans un cuir souple magnifiquement travaillé, aux dessins étrangement inquiétants. Je réalisai aussi que je venais de couvrir ces quelques mètres sans ressentir de douleur consécutive à mon entorse de la veille. C’était si anormal que je crus avoir tout rêvé. Pourtant mon médecin me confirma quelques jours plus tard que je portais bien les traces d’une entorse guérie. Il ne voulut jamais croire que cela c’était passé en l’espace d’une nuit.
De retour chez moi je consultais plus attentivement le contenu de la sacoche qu’avait abandonné mon compagnon. Elle contenait cinq récits qui prolongeaient ce qu’il m’avait dit sur l’existence des Enfants Arc-en-Ciel. Sont-ils des mutants ou des créatures nous ressemblant physiquement mais irrémédiablement étrangères ? Je ne sais toujours pas. Néanmoins, en cette nuit funeste où j’ai découvert leur existence j’ai acquis la certitude de leur présence parmi nous, indétectables. Sans trop savoir pourquoi j’ai l’impression tenace que mon étrange compagnon de naufrage m’avait confié ces récits pour les diffuser. Depuis ce jour, des ombres rôdent autour de moi. Pour me protéger ou s’assurer de mon silence ?

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